Roman “Tariq ila echams” de l’auteur Mohamed Kadik

Quand la réalité devient un fardeau

Tariq ila echams (éd. ANEP) est le dernier roman de 242 pages de Mohamed Kadik, journaliste, auteur et chercheur, qui narre l’histoire de Sadek, fonctionnaire ordinaire qui subit les affres d’une hiérarchie tyrannique, et qui se retrouvera, dans des circonstances obscures, dans un monde parallèle où le soleil n’existe pas.

Tariq ila echams, que l’on pourrait traduire par “Une route vers le soleil”, est le dernier roman ensoleil langue arabe de Mohamed Kadik, romancier, chercheur et journaliste, qui vient de paraître aux éditions ANEP. Ce roman de 242 pages a trait, a priori, aux problèmes sociaux auxquels fait face la société algérienne ; entre violence, arrivisme et iniquité de la bureaucratie. Mais l’auteur, loin de se contenter de faire un bilan superficiel d’une société, certes en manque de repères, a préféré s’éloigner des clichés d’un récit balzacien où l’on suivrait les péripéties d’un être en duel avec sa communauté, pour nous offrir son personnage central, Sadek, simple fonctionnaire mais apprécié de tous, qui se retrouve mêlé à une histoire rocambolesque, dont l’instigateur n’est autre qu’un nouveau riche prénommé Si Boulkhir, qui l’accusera, sans preuve aucune, d’avoir cassé la vitre de son véhicule pour lui voler le poste radio. Parvenue jusqu’au sommet de sa hiérarchie, cette mésaventure, à laquelle Sadek a été impliqué malgré lui, menacera son modeste emploi. Ce dernier tente, en vain, de prouver son innocence et convaincre ses supérieurs de l’absurdité de cette calomnie. Mais il est clair que ces mêmes décideurs profiteront de cette sinistre occasion, en faisant montre d’une cruauté sans nom, afin de le démettre de ses fonctions. Abattu, il quitte son lieu de travail pour se rendre à son domicile, mais c’est à cet instant précis que le récit prend une tournure fantastique ; en effet, sur le chemin du retour, tout l’univers de notre héros va basculer, il se retrouvera dans une ville, Chlaghma, qui ressemble étrangement à l’Alger que nous connaissons tous : le TNA, le café Tantonville, ou encore le marché Clauzel. Mais ce n’est plus l’avenue Pasteur que Sadek connaît, ni les gens qu’il a l’habitude d’y croiser. Autre détail et pas des moindres, le soleil n’existe pas dans cet univers parallèle dans lequel se retrouve notre protagoniste. Ce dernier essayera alors de comprendre comment est-il arrivé à cet endroit, comment se fait-il que le soleil n'existe pas dans cet étrange univers ? Il comprendra peu à peu, grâce à sa rencontre avec Si El-Hadj, le passé de cette ville qui fut dirigée autrefois par le roi Nemri, puis sa lente déliquescence qui l'amènera à sombrer dans l'ignorance et l'injustice. Sadek découvre aussi le cinéma, que tous les habitants de Chlaghma fréquentent, et où sont projetés, non pas des films ou des documentaires, mais des images de plage, de gens qui se baignent ou qui se prélassent au soleil. Se dessinent en filigrane, à travers ce que découvre notre héros dans ce lieu insolite, les maux d'une société aveuglée par son ignorance, ses croyances et son obscurantisme, qui l'empêcheront de revoir la lumière et le soleil. Après moult péripéties, notre personnage regagnera sa voiture pour échapper à ce monde étrange, mais à sa plus grande surprise, il se retrouve sur le chemin de sa demeure et découvre que beaucoup de choses ont changé en son absence…
Au-delà de l’originalité de l’intrigue et le mélange entre le réel et le fantastique, l’auteur a aussi apporté une innovation dans la forme, en introduisant des dialogues en arabe dialectal, où les personnages reprennent des proverbes et des références culturelles purement algériennes. Dans ce sens, l’auteur nous a confié que le but littéraire premier de son œuvre était “le plaisir de la lecture, je veux aussi mettre en avant l’authenticité, le côté invraisemblable, en racontant notre société d’une manière différente, dans un lieu différent, et procurer cette lecture plaisir par le biais du fantastique et de l’étrange”.

Yasmine Azzouz
Tariq ila echams, de Mohamed Kadik, éditions ANEP, 2016, 242 pages.

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